La saisie-vente: l’exécution sur les biens meubles
Lorsque l’on pense aux procédures de saisie, on a tout de suite en tête l’image de l’Huissier dans le film « Les 3 frères » qui dresse son inventaire. Comme une image d’Epinal, la saisie du mobilier semble caractériser l’activité des Huissiers, alors qu’elle reste très marginale au regard de l’étendue de leur activité.
La saisie du mobilier est désignée par le code des procédures civiles d’exécution comme la « saisie-vente ». Cette procédure est née avec la réforme des procédures civiles d’exécution et résulte des dispositions de la loi du 9 juillet 1991 et du décret du 31 juillet 1992.
Les conditions de la mise en œuvre de la saisie-vente
Les conditions de mise en œuvre de la saisie vente sont les mêmes que pour toutes les autres procédures de saisie.
Tout d’abord, le créancier doit avoir fait reconnaître sa créance par un titre exécutoire. Jugement, ordonnance, arrêt ou encore acte notarié ou injonction de payer, les titres exécutoires sont tous définis par l’ art L111-3 du code des procédures civiles d’ exec.
Concrètement, c’est bien à l’issue d’un procès et sur la base d’une décision de Justice que l’on pourra engager une saisie-vente, au même titre que l’ensemble des procédures d’exécution du droit français.
Ce titre exécutoire doit donc définir la créance qui servira de base à la saisie-vente. Cette créance doit être certaine, liquide et exigible.
On dit d’une créance qu’elle est certaine lorsqu’elle est établie, qu’elle n’est pas conditionnelle et qu’elle ne peut être remise en cause.
La dette est liquide lorsqu’elle est définie en argent, en monnaie, ou a minima que le titre exécutoire permette de la déterminer de façon précise.
Enfin, elle est exigible lorsqu’elle est échue.
Enfin, le titre exécutoire doit avoir été préalablement signifié au débiteur, en vertu de l’article 503 du code de procédure civile.
La saisie vente reste une mesure pouvant s’avérer traumatisante pour le débiteur, puisqu’elle a pour effet de priver le débiteur de ses biens. Elle doit donc être précédée d’un commandement de payer signifié par acte d’Huissier au débiteur, et lui laissant un délai de 8 jours pour s’acquitter de sa dette. Ce commandement est un préalable indispensable, qui doit dater de plus de huit jours et de moins de deux ans au jour de la saisie.
La procédure de saisie-vente
Dès lors que le délai de huit jours prévu au commandement est expiré, l’Huissier peut procéder à la saisie vente.
Le premier acte de la procédure est le Procès-Verbal de saisie vente. Nécessairement délivré par un Huissier de Justice, cet acte est en réalité un simple inventaire des biens saisissables du débiteur.
Contrairement aux idées reçues en effet, la saisie vente ne s’accompagne pas (sauf si un risque de détournement est identifié) de l’enlèvement immédiat du mobilier.
En cas de refus du débiteur de laisser l’Huissier accéder à son domicile ou dresser son inventaire, la procédure va alors prendre une dimension bien moins amiable. L’Huissier va requérir l’assistance de la force publique après avoir constaté la difficulté. Il pourra ensuite revenir sur les lieux, accompagné d’un serrurier et des forces de l’ordre, puis faire ouvrir les portes afin de procéder aux opérations de saisie.
Avant de régulariser son acte de saisie vente, l’Huissier va rappeler au débiteur (verbalement s’il est présent) le montant de sa dette et va lui demander de la régler sans délai. Faute de règlement, l’Huissier va interroger le débiteur sur l’existence d’une précédente saisie.
Il va ensuite lister dans son acte l’ensemble des biens saisissables qu’il trouvera au domicile du débiteur, jusqu’à ce que leur valeur permette de couvrir le montant de la dette.
Après le Procès-Verbal de saisie, le débiteur dispose d’un délai d’un mois pour solder sa dette ou vendre les biens saisis, avec l’accord du créancier. Le prix de vente de ces biens seront versés entre les mains de l’Huissier, en paiement de la dette.
Lorsque le délai d’un mois aura expiré, l’Huissier pourra procéder à la vérification et l’enlèvement du mobilier saisi. Il renouvellera son inventaire afin de s’assurer de l’état des biens qu’il avait saisis, et c’est à cette étape qu’il fera procéder à leur enlèvement en vue de leur vente. Les meubles saisis seront alors transportés sur le lieu de leur vente aux enchères prochaine.
La vente aux enchères sera précédée d’une publicité effectuée notamment par la voie d’un affichage.
La vente aux enchères sera pratiquée jusqu’à ce que les sommes collectées couvrent la totalité de la créance, des frais engagés et des intérêts. Les biens non vendus seront restitués au débiteur au même titre que le solde éventuel du prix de vente. Le créancier recevra également son paiement (créance en principal et intérêts, les frais de procédure d’exécution forcée étant prélevés directement sur les sommes encaissées), après l’expiration des délais légaux de rétention des fonds à la fois par le commissaire-priseur et par l’Huissier de justice.
Chacun des actes de la procédure sera effectué à peine de nullité sous la forme d’une signification par acte d’Huissier de Justice. Ce formalisme engendre un coût mais il constitue aussi en contrepartie la garantie du respect des droits du débiteur, et de sa complète information. En confiant aux Huissiers la responsabilité de conduire les procédures d’exécution forcée, le législateur s’assure ainsi de la sécurité juridique des justiciables en situation d’impayé.
Les contestations
Les contestations peuvent être formées par le débiteur jusqu’à la vente des biens saisis. Comme pour toutes les saisies, tant conservatoires que d’exécution, elles sont soumises au juge de l’exécution (JEX) du lieu de la saisie.
Comme en matière de saisie attribution, les contestations sont formées par la voie d’une assignation délivrée au créancier par acte d’Huissier de Justice. Cette assignation va constituer une convocation à une audience du JEX afin que l’affaire soit examinée et que le juge puisse apprécier du bien-fondé de la saisie ainsi que du respect de la procédure de saisie vente.
Véritable nouveau procès en justice, l’audience en contestation permettra au juge d’entendre toute personne concernée : le créancier saisissant, le débiteur saisi mais aussi l’Huissier exécutant ou le tiers détenteur, afin de rendre une décision éclairée sur la difficulté qui lui est soumise.
Le juge de l’exécution va pouvoir, au regard des dispositions applicables du code de procédure civile (CPC) ou des procédures civiles d’exécution (CPCE), décider de prononcer la nullité d’une procédure, ou au contraire la valider totalement ou partiellement. Rappelons que si les pouvoirs du juge sont très étendus pour ce qui concerne la saisie en elle-même, il ne peut pas revenir sur le titre qui fonde la créance, ni sur la créance elle-même.
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Les biens saisissables
Tous les biens mobiliers ne sont pas saisissables. Le code des procédures civiles d’exécution va d’ailleurs définir un certain nombre d’exclusions, dans ses articles R112-1 et suivants, issus du décret du 31 juillet 1992.
Le code va ainsi nous apporter une énumération alinéa par alinéa des biens mobiliers non saisissables :
1° Les vêtements ;
2° La literie ;
3° Le linge de maison ;
4° Les objets et produits nécessaires aux soins corporels et à l’entretien des lieux ;
5° Les denrées alimentaires ;
6° Les objets de ménage nécessaires à la conservation, à la préparation et à la consommation des aliments ;
7° Les appareils nécessaires au chauffage ;
8° La table et les chaises permettant de prendre les repas en commun ;
9° Un meuble pour ranger le linge et les vêtements et un autre pour ranger les objets ménagers ;
10° Une machine à laver le linge ;
11° Les livres et autres objets nécessaires à la poursuite des études ou à la formation professionnelle ;
12° Les objets d’enfants ;
13° Les souvenirs à caractère personnel ou familial ;
14° Les animaux d’appartement ou de garde ;
15° Les animaux destinés à la subsistance du saisi ainsi que les denrées nécessaires à leur élevage ;
16° Les instruments de travail nécessaires à l’exercice personnel de l’activité professionnelle ;
17° Un poste téléphonique permettant l’accès au service téléphonique fixe ou mobile.
Le droit prévoit cependant que les restrictions énumérées par cette liste peuvent être contournées notamment lorsque la valeur des biens concernés est manifestement disproportionnée (vêtements de luxe, téléphone mobile de grande valeur, etc).
De plus, il est évident que la liste des biens insaisissables de l’ art R112-1 ne s’applique qu’à une personne physique. Une personne morale (société, entreprise, association), ne bénéficie d’aucune protection en matière d’exécution forcée.
La question de la localisation des biens
La localisation des biens n’a pas d’effet sur leur saisissabilité. Cela signifie que, même s’ils sont stockés chez un tiers, ils restent saisissables au lieu où ils se trouvent et donc entre les mains de ce tiers, à l’encontre de leur propriétaire. Dans ces conditions les opérations de saisie seront effectuées entre les mains du tiers détenteur, puis il fera l’objet d’une dénonciation au débiteur par Huissier de Justice et dans un délai maximal de 8 jours.
Le délai de contestation et de vente amiable commencera alors à courir à compter de la date de signification de la dénonce au débiteur.
Attention cependant, une procédure de saisie vente ne peut être pratiquée entre les mains d’un tiers détenteur sans l’accord préalable du juge de l’exécution.
La vraie difficulté réside en réalité dans la localisation des biens appartenant au débiteur. Contrairement à un compte bancaire dont l’ouverture va laisser des traces administratives, les biens mobiliers circulent librement et il n’est pas toujours évident pour les créanciers saisissants de déterminer le lieu où sont stockés les effets personnels de leurs débiteurs.
En matière de meuble, le code civil énonce que « possession vaut titre ». Le droit français va donc créer une présomption de propriété au profit du tiers détenteur, des meubles qu’il détient. Ce sera toujours à l’Huissier ou au créancier de prouver la propriété d’un meuble afin d’en poursuivre la saisie et la vente aux enchères pour le paiement d’une dette.
La saisie vente d’un véhicule
La saisie vente peut indifféremment porter sur tous les biens meubles. Le véhicule terrestre à moteur est un bien meuble et peut donc faire l’objet de cette procédure.
Même si des procédures spécifiques sont ouvertes au créancier pour exécuter sur un véhicule (saisie par immobilisation, avec ou sans enlèvement ou encore saisie par inscription à la préfecture), celui-ci peut parfaitement utiliser la saisie-vente pour sécuriser sa créance en rendant indisponible un véhicule appartenant à son débiteur.
L’avantage de saisir un véhicule, réside dans sa facilité de vente pour le débiteur. Le prix de vente du véhicule (préalablement agréé par le créancier) sera remis à l’Huissier en vue du paiement de la dette et de ses intérêts au créancier.
Le concours de saisie
Un adage du droit dit que « saisie sur saisie ne vaut ». Mais le code prévoit spécifiquement la possibilité pour plusieurs créanciers de venir en concours sur un même patrimoine mobilier. Cette procédure spécifique est définie aux articles R221-41 et suivants du code des procédures civiles d’exécution.
La question se posera en réalité à partir de la deuxième saisie, au cours de laquelle le débiteur indiquera à l’Huissier que son mobilier a déjà fait l’objet d’une saisie.
Dans ce cadre, l’Huissier devra alors dresser un acte d’opposition-jonction, par lequel il se joindra à la première saisie. Il peut d’ailleurs compléter l’inventaire réalisé sur la première saisie, notamment afin d’en étendre l’assiette et de sécuriser la somme des créances. Le Procès-Verbal d’opposition fera donc l’objet d’une double signification : à la fois au débiteur saisi et à la fois aux créanciers premiers saisissants.
La procédure sera ensuite déroulée par le créancier premier saisissant, et les produits de vente seront répartis entre tous les créanciers saisissant, qui seront venus se greffer sur la procédure.
L’échec de la saisie
Si, au cours de ses opérations d’inventaire, l’Huissier s’aperçoit que le mobilier du débiteur ne présente pas de valeur, ou que l’ensemble du mobilier est insaisissable en application des dispositions de l’ art R112-2 du code des procédures civ d’exec, l’Huissier va alors dresser un Procès-Verbal de carence. Cet acte est un simple constat de la situation d’insolvabilité mobilière du débiteur.
Le coût de la procédure
La procédure de saisie vente constitue une voie d’exécution. Elle relève donc du monopole des Huissiers de Justice et chacun des actes qui la compose est donc tarifé par le code de commerce.
Les coûts de chacun des actes ou formalités vont être modulés par un coefficient qui dépend du montant de la dette.
Comme pour toute procédure de saisie, et sauf si le juge en a décidé autrement (ce qui n’arrive pour ainsi dire jamais), l’ensemble des frais de procédure sera mis à la charge du débiteur, au titre des dépens. Cela signifie que le coût de chaque acte sera ajouté au montant de la dette et sera d’ailleurs payé en priorité sur le prix de vente des meubles saisis.
Sur l’ensemble des saisies-vente engagées bien peu sont menées à leur terme et conduisent à la vente des biens saisis. Souvent parce que la valeur de vente aux enchères des meubles saisis est trop faible et inférieure aux frais engagés, mais aussi parce que la saisie vente constitue avant tout un moyen de créer un contact avec le débiteur, et un levier efficace à la prise d’un engagement de règlement.
La saisie vente prend ainsi une dimension plus amiable, en restaurant le dialogue entre créancier et débiteur, sous le contrôle de l’Huissier, et dans le but de permettre au recouvrement de parvenir à son terme.
La saisie vente est une mesure d’exécution forcée qui connaît son pendant sous forme de saisie conservatoire avec la saisie conservatoire de biens meubles corporels. La saisie conservatoire pourra être mise en œuvre à des conditions plus souples relatives à la créance, mais sur autorisation d’un juge. Sa portée sera identique à la saisie vente, de même que les règles relatives aux biens saisissables.